Visa de Perpignan donne chaque année la température du monde tel qu’il va mal. Et la livraison des photos de 2023 est bien pire que les années précédentes.
Les habitués de Visa pour l’Image le savent bien. Le couvent des Minimes, ce n’est pas Disneyland et encore moins Port Aventura. Ici, dans une douzaine de sites disséminés dans le centre historique de Perpignan, les bonnes nouvelles ne tombent pas des arbres. La visite des expositions, 24 cette année, correspond à une plongée au plus profond et parfois même au plus sombre de l’âme humaine, même si le plus souvent ces scènes de guerre et d’épouvante sont merveilleusement mises en lumière par les photoreporters qui trompent la mort, usent leurs vies, pour rapporter les images authentiques et les témoignages depuis les angles morts de la planète. Au couvent des Minimes justement, voici donc l’histoire, mieux encore la chronologie illustrée des révoltes des femmes en Iran. Tragique, sanglante, ahurissante même à partir de septembre 2022. Ici dans la chaleur moite de la salle d’exposition du premier étage, les photos, majoritairement, ne sont pas signées, images anonymes parfois extraites des réseaux sociaux par l’Agence France Presse.
Documenter la terreur au quotidien
Il s’agit de documenter la terreur au quotidien, les manifestations spontanée en plein cœur de certaines villes, aux abords des cimetières lorsqu’il convient de mettre en terre, les martyrs de la révolte dite du voile. Parfois même des enfants.
Dans cette salle, on avance pas à pas dans cette tragédie collective, pratiquement dans le silence. Personne ne parle. Ou si peu. Seulement quelques murmures. On ne commente pas. On regarde. Dans une petite salle attenante, dans la pénombre, une vidéo tourne en boucle. Ce sont des très courtes séquences saisies sur le vif, proposées sans montage avec juste des indications de tournage : la date, le lieu, les circonstances. Le témoignage est bouleversant : des arrestations en pleine rue, une personne est jetée dans le coffre d’une voiture. Elle y est tassée au fond à coups de poing. Un peu plus loin, un autre interpellé qui résiste est roué de coups dans un hall d’immeubles. Est-ce ainsi que les hommes vivent ? s’interrogeaitLouis Aragon dans un contexte bien différent.
Dans la poussière des Talibans
Voici, l’Afghanistan, dans la poussière que les Talibans ne prennent pas la peine de la glisser sous les tapis. Pendant des mois, Ebrahim Noroozi, de l’agence Associated Press a sillonné ce pays affamé, le plus triste du monde où les femmes ont juste le droit de survivre, voilées et invisibles désormais. « Nous ne savons que nous sommes heureux. Et comment nous le sommes » souffle Claire, une habituée de Visa qui vient y puiser une source inépuisable de réflexion sur la société du grand tournant. Puisqu’en supplément des guerres, des tyrans, des sanguinaires, des dealers, voici que l’évolution climatique devient pressante partout, y compris dans les rivières catalanes asséchés qui cernent aujourd’hui le site même de Visa pour l’image. « Nous tirons la sonnette d’alarme depuis des années, sur la problématique de l’eau, de la pollution, de la maltraitance des animaux. Cette préoccupation n’est pas nouvelle chez nous et aujourd’hui l’ orientation de certaines expositions n’est pas un effet de mode ou de tendance » explique Jean François Leroy, le fondateur de Visa. Ainsi donc, voici le reportage du britannique Ian Berry auteur du livre illustré Water et qui rapporte un travail particulièrement complet sur la vie moderne des fleuves , sur ce que les hommes en ont faits au gré des générations de bâtisseurs partout dans le monde. Ainsi donc voici comment va la monde, tel qu’il est, sans intelligence artificielle pour travestir la vérité.
Christian Goutorbe
Visa pour l’Image, festival du photoreportage de Perpignan.Jusqu’au 17 septembre. Totalement gratuit. 24 expositions et des projections chaque soir jusqu’au 9 septembre au Campo Santo. www.visapourlimage.com