Semaine Sainte : pas de bénédiction pour les touristes reconfinés

Pas de vacances pour la police qui contrôle ici l'entrée de La Grande-Motte

Les tentatives de migration vers les résidences secondaires sont toujours d’actualité. C’est aujourd’hui la hantise des autorités qui redoutent de nouvelles contaminations au Covid-19 dans des zones déjà sensibles.

Les touristes reconfinés de la Semaine Sainte ne sont pas les bienvenus dans le sud de la France. Pire, leurs arrivées en catimini, souvent nocturnes comme des voleurs de solidarité nationale, déclenchent désormais de vives tensions avec les résidents habituels, transformés en confinés peu ou prou vertueux au bout de trois semaines d’apprentissage de la discipline sanitaire. Alors pour faire face à une prévisible deuxième vague d’exode, les autorités ont déployé un important service d’ordre pour filtrer les « entrants » dans les zones à forte attractivité, ceux qui cherchent discrètement à se reconfiner pour ces deux semaines de vacances. Et plus si nécessaire. En région Occitanie, plus de trois milles gendarmes, policiers nationaux ou municipaux, ont été mobilisés pour endiguer, canaliser, interdire si nécessaire et renvoyer au point de départ. De nombreux barrages de contrôle sont installés aux passages routiers obligés, aux sorties d’autoroute, aux entrées de stations balnéaires qui, baignées de soleil, font rêver au printemps du confinement. Pour les candidats à se claquemurer au soleil avec vue sur mer, il aura fallu souvent rouler de nuit, déjouer les barrages des gendarmes, jongler avec Waze, le GPS et progresser à l’ancienne en retravaillant l’itinéraire, sur des cartes routières, pour trouver des projections de contournement sur des routes improbables

Politesse mais fermeté

À La Grande-Motte (Hérault), le point de contrôle est placé à l’entrée de la station, à l’ombre des pins. Gendarmes de la compagnie de Lunel et policiers municipaux œuvrent ensemble, avec politesse, diplomatie mais fermeté. Le passage des soignants est facilité avec des petits gestes et des sourires de soutien. Les usagers sont invités à plaquer derrière le pare-brise, l’attestation de déplacement dérogatoire, et leur pièce d’identité.

« Les candidats aux vacances reconfinées ont entendu le message, il me semble. Ils savent que désormais ils seraient accueillis à l’arrivée et que ce voyage pourrait leur coûter cher. Depuis vendredi, ils sont très peu nombreux à se présenter à ce point de contrôle » explique Jean Michel Weiss, directeur de la police municipale de La Grande-Motte. Alors, en cette veille de Pâques, il reste les étourdis, les oublieux et des inconscients.

Ainsi, voici que s’avance ce jeune homme au volant d’une belle cylindrée noire. Il a rempli l’attestation sur la case garde d’enfant. « Parfait. Mais où ou est l’enfant ? » questionne la femme gendarme en scrutant l’habitacle pensant avoir à faire à un jeune père de famille séparé. « L’enfant ? Mais c’est moi ! » s’exclame le jeune conducteur. « Je fais un peu plus âgé mais en fait, j’ai tout juste 19 ans. Je viens de passer une semaine confiné chez ma mère et là je rejoins pour une semaine mon père à son domicile de La Grande-Motte. C’est la garde parentale alternée » poursuit-il. En pure perte. La femme gendarme lui fait remarquer que la notion de garde d’enfant c’est jusqu’à la majorité et que son motif de déplacement n’est pas valide. Pire, le permis de conduire qu’il a présenté n’est pas plus valable. Il lui a été retiré en mars dernier. Mais il conteste avoir été avisé de la décision.

« L’enfant en garde alternée qui conduisait une voiture » est alors invité à abandonner le véhicule et à suivre les gendarmes dans les locaux de la brigade de La Grande-Motte. Sa destination finale sera judiciaire. Un peu plus tôt ? Une jeune fille qui arrivait tout juste de son confinement international au Brésil, voulait juste voir la mer avant de rentrer chez elle à Pérols : 135 €. Et un peu plus tôt, un conducteur avait des fourmis dans les jambes. Il voulait essayer sa voiture toute neuve, « la faire rouler un peu quoi ! »… 135 €.

Sète : tension aux urgences et aux barrages routiers

À Sète, les barrages de route du week-end pascal ont donné une vive polémique entre le maire de la ville et Jacques Witkowski le préfet de l’Hérault. François Commeinhes, élu et aussi médecin, a été alerté par le service des urgences de l’hôpital sétois désormais sous tension et par le débarquement significatif de nouveaux occupants dans les résidences secondaires. Alors, l’élu avait organisé vendredi soir, via un arrêté municipal, un blocus de l’Île Singulière. Dans ce plan de sauvegarde, on déviait la route de Balaruc-les-Bains sur celle de Montpellier et on contrôlait ensuite 24 heures sur 24, les deux dernières pénétrantes. Jusqu’au 3 mai, il s’agissait de chasser les « furtifs » de la pleine nuit. Le préfet a contesté le dispositif. Puis il a carrément sommé le maire de rouvrir la route déviée et de remettre en place des contrôles traditionnels afin de respecter le principe de la liberté de circuler. Pendant ce temps, aux urgences de Sète, la vérification des cartes vitales, déjà, a trahi la domiciliation réelle des consultants depuis une semaine de vacances. « Nous avons levé le dispositif mais nous ne comprenons pas la position du préfet de l’Hérault. Avant d’être maire de la ville, je suis médecin. Mon objectif, notre objectif à tous, c’est de protéger la population » se désole François Commeinhes.

Toutes les stations du littoral méditerranéen sont ainsi confrontées à cette tentation de Pâques. Y compris en Espagne où l’on observe ce phénomène de reconfinement massif pour les habitants des grandes métropoles (Barcelone, Gérone, Toulouse, Montpellier). À Rosas, Calafell, Lloret de Mar, les « transfuges » souvent français, sont montrés du doigt à la fois pour leur désinvolture et pour le risque sanitaire qu’ils font courir aux populations locales.

90 % des consultants sont non-résidents

En Catalogne, on comprend bien que la charmante petite ville de Camprodon à 20 kilomètres du col d’Arès, la frontière française, est une destination idéale pour le confinement de printemps entre cimes des Pyrénées et l’extraordinaire parc naturel régional volcanique de la Garrotxe. La bourgade est à moins d’une heure de route des grandes villes où le risque de contamination roule à tombeau ouvert dans les rues désertes. Dans l’Avanguardia, le maire explique que les non-résidents de cette vallée représentent aujourd’hui 90 % des consultations à la maison médicale.

À l’hôpital transfontalier de Puigcerda on a encore noté une augmentation de 20 % des entrées aux urgences sur ces derniers jours alors que de nombreux barcelonais se sont réfugiés en altitude dans leur chalet de Cerdagne. De loin en loin, en ce matin de Pâques, on entend les sonnailles pour des cathédrales et des églises sans fidèles, des routes et des paysages sublimes et désertés, des familles endeuillées, dévastées, des soignants engagés nuit et jour dans un combat surhumain dans le tunnel de la mort. Où la notion de vacances est une abstraction absolue.