Lozère, solidaire, salutaire !

La Lozère, pays des hautes terres rurales a parfaitement négocié la première phase de lutte contre la pandémie.
La Lozère, pays des hautes terres rurales a parfaitement négocié la première phase de lutte contre la pandémie. (c) TopSud News

Le département de la Lozère, humble et enclavé, se découvre en territoire anti-coronavirus. Population et décideurs sont exemplaires et proactifs pour sauvegarder la vie des aînés et des résidents des nombreuses maisons de retraite, relancer la machine économique et rêver d’un été radieux pour tous, lozériens ou visiteurs amoureux des grands espaces.

A l’heure bénite de la gouvernementale promesse de déconfinement, le tableau sanitaire et quotidien du petit département de la Lozère (78 000 habitants) délivré par l’Agence Régionale de Santé Occitanie est une perfection : zéro patient covid-19 en réanimation et même zéro hospitalisation. Juste un décès, un grand-père octogénaire, l’un des 46 premiers diagnostiqués en mars décédé la troisième semaine d’avril. Les dernières personnes testées positives, ce sont six soignants de deux ehpads du nord du département (Le Malzieu et Saint Chély d’Apcher) dépistés comme les cent-soixante employés de ces établissements situés à quelques kilomètres d’un virulent cluster développé au centre hospitalier de Saint Flour dans le département voisin (Cantal).

Mende (Lozère). Sur le marché du samedi matin, Laurent Suau, le maire de la ville, Valérie Hatsch la préfète et André Balez producteur lozérien de charcuterie. (c) Topsud News

Un coup d’avance sur le virus

« Depuis le début de l’épisode pandémique nous avons multiplié les opérations de tests, chaque fois qu’un résident présentait des symptômes. Nous avons toujours eu un coup d’avance dans un contexte de distanciation sociale bien servie par la géographie. La Lozère, fort peu densément peuplé (15 habitants au kilomètre carré), est passée  facilement de l’enclavement au confinement » explique Valérie Hatsch, la préfète arrivée le 20 février dernier pour s’engouffrer dans cette tempête  majeure. Ici comme ailleurs, on a poussé les murs du service de réanimation du centre hospitalier sur les hauteurs de Mende. On est passé de six à neuf lits. « Mais nous n’avons jamais dépassé les deux patients en soins intensifs. Pour autant les soignants ne sont pas restés les bras croisés. Ils ont activement participé aux opérations de dépistage » poursuit la préfète qui souligne le caractère bien trempé des lozériens, leur esprit de discipline et leur solidarité territoriale.

Du lait frais sur la place du marché

Vincent Bunel, qui collecte le lait de cinq exploitations en Lozère et en Ardèche, en sait quelque chose. En plein coma économique, le patron de la fromagerie de La Laoune propose, depuis le 8 avril, son lait sur les places de marché des villages. « Forcément les débouchés pour nos fromages dans les restaurants fermés ont brutalement disparu. Alors, plutôt que jeter le lait, je l’ai proposé gracieusement aux habitants. Ils donnaient ce qu’ils voulaient pour aider nos éleveurs. Et, aujourd’hui tout le monde en redemande » explique-t-il sur le marché de Mende, où il faut faire la queue avec son bidon en métal ou le plus souvent avec des bouteilles vides. 

Mende (Lozère). Du lait frais sur les places de marché pour sauver les exploitations  des hautes terres.  (c) Topsud News.
Mende (Lozère). Du lait frais sur les places de marché pour sauver les exploitations des hautes terres (c) Topsud News.

Au choix, pour un euro le litre on a du lait de vache, de chèvre ou de brebis et on peut même panacher. « Ce lait entier, de cette qualité c’est parfait pour faire de la Ricotta maison » s’exclame cette mère de famille qui repart avec un cabas surchargé. Eddy, jeune retraité enthousiaste, propose de parrainer une vache et abandonne le rendu  sa monnaie au profit des éleveurs. « Ce matin, on va écouler plus de 300 litres. En ce moment on fait trois marchés par semaine. La demande est énorme. Ce n’est pas d’une grande rentabilité mais cela permet de déstocker le lait et tous les soutiens financiers sont bons à prendre » poursuit Vincent dont la coopérative installée à Coucouron (Ardèche) gère aussi un stand de fromages sur les marchés des hautes terres.

Tuffery lance la mode des masques faits en Lozère

A Florac, au bord du Tarn, Julien Tuffery, « entrepreneur-réanimateur » de la fabrique familiale éponyme de jeans a été l’un des premiers en France à se lancer dans la fabrication de masques de protection. « Au départ, c’était pour nous, pour la famille pour les employés. Ensuite c’est devenu une activité solidaire et complémentaire de notre production de jeans qui se poursuit. Et comme nous avions les bons contacts avec les fournisseurs de tissus, nous avons pu élargir le cercle » explique le jeune chef d’entreprise qui a initié à sa façon « la grande cause départementale » : fabriquer un masque de Lozère pour chaque lozérien. « Nous avions le tissu mais pas suffisamment de personnes pour fabriquer rapidement, quatre-vingt mille masques d’ici la première semaine de mai. Alors nous avons coupé les pièces, fourni les kits pour que le Conseil Départemental ou la mairie de Mende recrutent des volontaires.

Une armée de couturières

Dans un formidable élan solidaire, les machines à coudre sont sorties des chambres d’amis. En quelques jours plus de mille couturières bénévoles se sont dressées, sur les Causses, dans les  vallées ourlées de genets en fleurs, au milieu des vertes prairies de Margeride, pour fabriquer ces fameux masques grand public textile. Ils et elles ont tenu les délais pour assurer la protection de toute la population contre le Coronavirus chinois qui ravage les esprits, même en Lozère.

Après avoir remporté, au moins temporairement la bataille sanitaire, encore faut-il ne pas précipiter ce petit département de montagne à l’économie plus fragile que son tempérament, dans le gouffre économique qui s’ouvre, béant devant le monde moderne. « Grâce à cette situation sanitaire plutôt satisfaisante, on estime qu’à ce jour, plus de 75 % des entreprises du BTP ont redémarré leur chantier » estime la préfète Valérie Hatsch alors que la communauté lozérienne prépare le coup d’après, la haute saison touristique.

L’heure verte de l’été touristique

 

Le département vert rêve d’une embellie pour que les confinés exténués viennent se ressourcer ici, au milieu des prairies et des forêts (43 % de la surface départementale), à base de randonnées et de convivialité villageoise tout en respectant les fameuses mesures barrière.  

Christian Chavignon,  réputé  chef cuisinier exploite avec son épouse le relais de Saint Roch, un hôtel de charme et la petite maison à Saint Alban-sur-Limagnole.  Ils attendent leurs  clients fidèles pour cet été. (c) Topsud News
Christian Chavignon, réputé chef-cuisinier exploite avec son épouse le relais de Saint Roch, un hôtel de charme et La Petite Maison, restaurant  gastronomique à Saint Alban-sur-Limagnole. Ils attendent leurs clients fidèles pour cet été. (c) Topsud News

Mais pour cela encore faut-il rouvrir à temps les commerces du bien-vivre et de la convivialité qui riment ici avec bien-manger. Sur les hauteurs de la Margeride, à Saint Alban-sur- Limagnole, Christian Chavignon, le président départemental de l’ UMIH (Union des métiers de l’industrie hôtelière) peine encore à y voir clair à quelques jours du déconfinement. « L’onde de choc pour les bars et surtout les restaurants de Lozère est d’une violence absolue. Et nous sommes encore aujourd’hui dans l’incertitude absolue. Aucune visibilité sur la saison qui s’avance même si notre territoire rural devrait attirer beaucoup de monde à la recherche des grands espaces qui ont tellement fait défaut pendant la période de confinement. J’attends de découvrir les recommandations sanitaires qui seront appliquées à nos établissements » explique le chef qui exploite avec son épouse le relais saint Roch et surtout La Petite Maison, une des meilleures table du haut plateau de la Margeride. A priori la phase 1 du déconfinement du 11 mai ne bouleversera pas le quotidien des lozériens qui attendent plutôt la phase 2 programmée pour le 2 juin, date à laquelle on pourra enfin déguster au bord des routes autre chose que des sandwichs ou un casse-croûte tirés de la saquette comme dans les années soixante.