Emergences à Aramon : l’eau et la musique vingt ans après l’inondation

premier festival emergences Aramon
premier festival Emergences à Aramon par sabine Chatel

Gospel, Jazz, poésie, musiques du monde, musique  sacrée,  tables rondes expositions sont au programme du premier festival de l’eau d’Aramon village  marqué à jamais par la soirée du 9 septembre 2002.  

C’est jour de grande effervescence  à Aramon (Gard) entre les cyclistes de la Via Rhôna en maillots multicolores qui se posent sur les terrasses, les bénévoles, les habitants et les commerçants enrôlés dans l’organisation du premier festival Emergences construit autour de la musique, de la danse, du chant et de l’eau. Le fond de l’air est chaud et très doux, comme  après chaque épisode Cévenol ou Méditerranéen. Ce sont de  très violentes précipitations  d’automne,  comme pendant ces deux derniers jours d’alerte rouge météo « Pluies-inondations ».

Le même ciel qu’en 2002

Ce temps si particulier, avec ce ciel dégagé d’un beau bleu délavé, c’était exactement celui du 9 septembre 2002, voici 20 ans jour pour jour. Les aramonais avaient des raisons de se sentir soulagés  après avoir été épargnés par la grande colère du ciel qui avait noyé les Cévennes, depuis le dimanche soir. Ce véritable déluge ( 800 mm d’eau par endroit) avait saturé tous les cours d’eau en crues centenales  : les Gardons et tous leurs affluents, le Vidourle et ses affluents, le Vistre, la Cèze.  Ce jour-là, les équipes de télévision les reporters des radios, dépêchés sur place rendaient compte du désastre dans une cinquantaine de villes et  villages dévastés, engloutis : Alès, La Calmette, Collias, Sommières. Déjà on comptait les morts : au moins une quinzaine de noyés, d’emportés ou de disparus. A Aramon, la journée a viré au drame dans la soirée, après les premières  fissures apparues sur la digue du Gardon,  à 7  kilomètres de la ville. Les policiers municipaux ont  alors couru à perdre haleine de maison en maison pour exhorter tous les habitants  de la partie basse de la ville, à quitter le confort douillet de leur maison, à sauter dans leurs voitures avec leurs papiers et quelques objets  pour aller se réfugier, en pleine nuit sur les points hauts et dans les collines  avant que la digue cède. Tous n’ont pu le faire. Ils ont été surpris par l’arrivée de la vague boueuse, chargée de traverses de chemin de fer, de pneus, de débris multiples, souillée de gazole. Cette nuit-là, de dévastation, la ville a perdu 5 personnes dont trois dans la même rue devenue le canal naturel au Gardon en liberté.

L’eau précieuse et dangereuse

« Ce festival centré sur l’eau, ce n’est pas une commémoration ni une célébration ni même une occasion festive. Non, c’est un moment d’échanges, de convivialité et de musiques. C’est un moment pour apprendre l’eau, sa valeur, sa rareté, les dangers qu’elle représente. C’est un moment  utile et de  convivialité. L’eau nous est précieuse pour la vie, dans le monde entier »  explique Sabine Chatel, la créatrice de ce festival. Sabine Chatel est productrice de musique du monde. Elle-même, depuis Paris, cette nuit-là, a plongé dans les eaux noirs du Gardon. « C’est au téléphone que j’ai appris que ma mère s’était noyée  dans le rez-de-chaussée de sa maison. Je ne pouvais pas imaginer que ma maman, qui nageait si bien, qui voyageait, pouvait ainsi disparaître  dans sa propre maison » témoigne Sabine. Ainsi, Christiane Chatel, 54 ans, fait-elle partie des cinq victimes d’Aramon, au milieu de  la centaine de maisons totalement détruites par l’eau et sa stagnation pendant plusieurs jours. « On ne peut pas oublier. Et jamais on ne pourra oublier. Moi-même j’y pense chaque jour. Et dans le village, même après vingt ans, il ne se passe pas dix minutes de conversation sans que le sujet inondation de 2002 émerge » ajoute-t-elle tout en réglant les derniers détails de ce festival qui investit le village tout entier. Les lieux scéniques, pour les musiques, les lectures,  les moments d’échange, ont été disséminés dans la  ville, dans l’église Saint Pancras, au château, à la halte fluviale et sur les terrasses des cafés du centre-ville.  « Ce festival va apporter un supplément de vie et d’activité. On espère qu’il va attirer des gens de l’extérieur. Ici, après la catastrophe, les  habitants ont été extraordinairement résilients et  solidaires. Ils ont été exemplaires »  analyse Sarah Deveaux, en charge  de la communication à la mairie qui  soutient l’organisation de ce festival construit pour l’alerte et l’émerveillement.

Christian Goutorbe

Festival Emergences à Aramon (Gard) du 9  au 11  septembre 2022. Le programme : www.emergencesfestival.fr 

Places de 12 à 28€. nombreux spectacles et expositions gratuits.