Clémentine, sur la route de Madison

À Vias, au théâtre de L’ardaillon, Clémentine Célarié a fait, une nouvelle  fois, revivre la passion absolue de Francesca Johnson dans « Sur la Route de Madison ». Plus que du théâtre. Toute une vie.

Clémentine Célarié est l’incarnation absolue de Francesca Johnson.

Les paysages et les sentiments de la route de Madison sont éternels,  indestructibles. Le temps, la répétition des représentations depuis cette création portée au Festival d’Avignon 2017, n’érodent en rien les  sensations que l’on peut ressentir. Ici, le bouleversement est permanent, comme dans le film de Clint Eastwood, comme dans l’œuvre de Robert James Waller, page après page. Et la pièce mise en scène par Anne Bouvier, donnée au théâtre de l’Ardaillon de Vias (Hérault) ne  fait donc pas exception à la règle. D’ailleurs, de théâtre, il n’est même plus question. Au bout de dix minutes que Clémentine Célarié et  son partenaire ont envahi l’espace scénique, les gradins disparaissent d’un seul coup et les spectateurs avec. Pas un bruit dans la salle, juste le silence qui accompagne leur existence, pendant quatre jours et trois nuits dans cette cuisine de ferme. Non ce n’est plus du théâtre à  jeu d’acteurs. C’est une tranche de vie  subtilement mise en scène et en lumière pour rendre  compte du mouvement du soleil et avancées  des sentiments entre Francesca Johnson et Robert Kincaid. Elle est femme de fermier à 100 % après avoir été professeure de littérature comparée. Il est  photographe pour le National Géographic, bourlingeur et poète autoproclamé. Ces deux-là sont incarnés par Clémentine Célarié et Jean Pierre Bouvier. Ils ne jouent pas les personnages de Robert James Waller. Ils les vivent au plus profond d’eux-mêmes et les mots pour le dire viennent aisément, coulent naturellement. Et les gestes pour apprendre à s’aimer aussi. Alors, à perdre haleine, on accompagne Francesca jusqu’au bord de la  falaise de sa propre existence, jusqu’à l’extrémité de ce grand amour qui bouleverse tout. Qui domine tout. Dans le roman, comme dans le  film et dans la pièce, Francesca regarde partir le pick-up de Robert. Quatre jours et trois nuits d’amour pour éclairer tout ce qui reste à ressentir de cette vie-là  dans la ferme des Johnson comme une petite fenêtre éclairée qui veille, nuit et jour, à chaque instant, sur celui-là qui est parti. Et qu’elle aime tant. Et pour toujours. « Je t’aime tellement que je ne veux pas te retenir » dit Francesca au paroxysme de son déchirement intime. Partir et tout quitter pour suivre Robert, le grand amour de sa vie.

Et sans doute détruire ceux qui resteraient derrière : Richard le fermier, le mari, Michaël et Caroline les deux enfants et puis « cette maison que je porte en moi ». Ou bien rester, ne rien dire et garder cette flamme intacte. S’offrir un verre de Brandy et fumer une cigarette une fois par an, pour fêter, bouche muette, ces plus jours de sa vie. Qui furent aussi trois nuits. Au bout de cent minutes de cette vie-là, Sur la  route de Madison, dans la cuisine du  grand amour, au milieu des  marmites du désir, la lumière se rallume. C’est la fin d’une tranche de vie qu’on croyait éternelle. On retourne au théâtre pendant quelques minutes. Francesca Johnson redevient la comédienne Clémentine Célarié qui salue son public. Des applaudissements nourris. Quelques personnes se lèvent… Pour finalement quitter la salle. La standing ovation est escamotée. Francesca est repartie. Sur la route de Madison. Pour toujours.