Le Printemps des Comédiens 2018 accueille la conférence des oiseaux. La réunion au sommet accouche d’une oeuvre théatrale étonnante qui tient du conte. La pièce doit beaucoup à l’auteur Jean Claude Carrière, au metteur en scène et aux dix acteurs. Sur les copeaux de bois de couleur pourpre, sous les micocouliers du Printemps des Comédiens, les drôles d’oiseaux du metteur en scène Guy-Pierre Couleau ne tiennent pas en place. Ils sautillent, fanfaronnent et piaffent. On se croirait dans une volière. Mais les oiseaux peinent à se défaire de leur propre condition au moment de partir en quête du roi Simorg. Finalement, la perruche aime bien sa cage. Le canard ne voit pas la vie loin de sa mare et la perdrix n’a de bec que pour les pierres. Et pourtant, eux et quelques centaines de volatiles se mettront finalement en mouvement, en croisade. Ici tout n’est que poésie du texte et aventures multiples pour les oiseaux. La pièce de Jean Claude Carrière est magistrale. Elle est directement inspirée d’un ces grands contes soufi de l’auteur persan Farid Uddin Attar écrit au XIIeme.
Des hommes « oiseauïfiés »
L’œuvre fondamentale a traversé les siècles par la tradition orale. Puis, elle a voyagé, au point d’être mise en scène en 1979 au festival d’Avignon par l’immense Peter Brook. Et de faire un triomphe. Déjà Jean Claude Carrière tenait la plume. A Montpellier, la force du texte est idéalement servie par une dizaine de comédiens totalement « oiseauïfiés », entendez par là qu’ils incarnent parfaitement faucon, paon, hibou, huppe, tous oiseaux plein de paresse et de curiosité. Au point de traverser sept vallées mystérieuses, piégeuses avant de se présenter, épuisés, dévorés par le soleil, calcinés devant Simorg en personne. Enfin, façon de parler. Finalement ces voyageurs ailés et zélés vont découvrir que le roi en question n’est qu’un miroir d’eux-mêmes. Ou la version persane du miroir aux alouettes avec quelques masques, quelques plumes et surtout un excellent travail sur la gestuelle et les postures. Elles sont parfaitement restituées. Tellement bien qu’à chaque instant on s’attend à ce que les bipèdes-oiseaux prennent leur envol pour donner la réplique en rase-motte par-dessus la tête des spectateurs. Comme dans un mirage. Mais ça, c’était pendant le long voyage des oiseaux.