Pilleurs de sous-bois pour faire le jackpot dans les villes du sud contre habitants locaux qui ramassent pour les bocaux et pour les dépenses du quotidien : c’est la guerre des champignons dans les forêts de Lozère. Cette année le face-à-face a été particulièrement tendu. Elus, propriétaires et autorités cherchent encore la bonne formule pour apaiser tout le monde.
Des municipalités de La Margeride, en Lozère, envisagent de réglementer la cueillette des champignons. Cette démarche n’est pas nouvelle. Mais elle est apparue comme une nécessité après la fin d’été compliquée que les habitants ont vécu. Une sortie exceptionnelle de cèpes a, aussitôt, généré l’envahissement des sous-bois par des pilleurs de forêts accourus des grandes villes du sud (Montpellier, Nîmes, Marseille, Avignon). Pour l’appât d’un gain facile et rapide en faisant grand commerce. La commune de Laubert a ouvert la voie en adoptant en conseil municipal l’interdiction de ramassage pour ceux qui ne sont pas domiciliés dans la commune (résidents principaux ou secondaires) et qui souhaitent cueillir dans les parcelles sectionnales de forêt. Les élus ont immédiatement confectionné et planté des panneaux d’interdiction aux coins des bois pour dissuader les spéculateurs de cèpes. Las, à Laubert, la piste réglementaire choisie n’était pas la bonne. Et la préfecture de Lozère, à Mende, a refusé de valider cette décision municipale. Et elle a réclamé que les panneaux soient enlevés ou voilés.
La horde sauvage des pilleurs de sous-bois
D’ici quelques jours, le maire Gilbert Debien va présenter un nouveau texte totalement conforme et légal pour que l’or des sous-bois soit mieux partagé au bénéfice premier des ramasseurs familiaux, pour les bocaux ou pour les frais du quotidien. Les cueilleurs peuvent revendre les cèpes, entre 10 et 15 € le kilo. « C’est une région pauvre et la cueillette des champignons représente un complément de revenus important pour améliorer l’ordinaire. La majorité de cet argent supplémentaire ruisselle sur le territoire. Il est dépensé sur place ce qui n’est pas le cas de ceux qui viennent pour piller le patrimoine forestier et repartent aussitôt pour revendre en négoce dans les grandes villes » explique un professionnel de la filière qui parle d’une année d’exception pour les champignons. « Cette poussée exceptionnelle était inattendue. Il avait fait très sec pendant toute l’été. Mais les pluies de la fin août sont arrivées sur un sol chaud et la magie de la nature a opéré pour donner cette récolte exceptionnelle qui a engendré cet envahissement abondamment relayé sur les réseaux sociaux » poursuit un fin connaisseur désabusé par les passages intensifs de ce qu’ils appellent ici les hordes sauvages. qui ne respectent rien de ce que la terre de Lozère peut offrir au meilleur de ses saisons. Les bucoliques promenades de cueillette ont été émaillées de moments de tension entre les deux communautés, les ramasseurs locaux et les spéculateurs venus de l’extérieur au milieu des allées forestières devenues des campings géants et les sous-bois des aires de camping sauvage. Pourtant, ladite cueillette est réglementée. Dans un arrêté paru le 23 août dernier, la préfecture de Lozère, en rappelle les grands principes.
La cueillette, une tolérance, pas un droit
« La cueillette des champignons est une tolérance et non un droit, car les produits du sol appartiennent de plein droit à leur propriétaire. Toutefois, selon des coutumes et des tolérances locales, la cueillette à caractère familial est considérée comme tacitement autorisée par le propriétaire des parcelles dont l’accès n’est ni réservé ni matérialisé par des panneaux visibles implantés en limite des propriétés concernées, dans la limite de 10 kg par personne et par jour. Sur les terrains dont l’accès est réservé et matérialisé, tout ramasseur de champignons, autre que propriétaire du terrain ou ses ayants-droits, doit être porteur d’une autorisation délivrée par le propriétaire.Dans le département de la Lozère, la cueillette des champignons est réglementée par l’arrêté préfectoral du 22 octobre 2018 portant protection des espèces végétales et sauvages. Les contrôles des infractions sont réalisés par la gendarmerie et les agents assermentés (office français de la biodiversité, office national des forêts, etc.), dans le cadre de leur activité sur le terrain ou d’opérations ponctuelles de contrôle. En cas d’infraction, des contraventions de 4eme classe sont prévues » est-il écrit dans cet arrêté. Mais les contrôles dans les vastes espaces boisés sont difficiles à mener malgré, la mobilisation de tous les services de l’Etat pour tenter de canaliser la fièvre de la cueillette. L’office national des forêts a verbalisé à 65 reprises pour des « prunes » de 68 à 150 €. Par trois fois, sur réquisition du procureur de la république, les gendarmes ont fait ouvrir les camionnettes des ramassage qui sillonnent les chemins guidées par des points de géolocalisation. « Réserver la cueillette aux seuls habitants d’un village, cela ne tient pas. Nous par exemple, sommes d’un village voisin et nous avons vécu pendant des années à Laubert. Il serait incompréhensible de ne pas nous permettre de venir dans la forêt pour nos besoins familiaux » explique Gîlles, retraité venu avec son épouse pour quelques poignées de champignon. « Prendre des arrêtés d’interdiction par commune, cela revient à tout barricader et c’est impossible à faire respecter » poursuit-il. Alors que la grande et belle saison 2022 tire à sa fin, sauf forte pluie à venir, toutes les billes sont désormais sur la table pour envisager la prochaine campagne celle de 2023. Pour que chacun, respectueux, trouve sa place dans les apaisants sous-bois de la Lozère éternelle.